Parc du Doubs
A l’heure où notre monde vit des modifications climatiques dont nous ne mesurons pas encore l’impact, le MBAL apporte sa pierre à l’édifice en proposant une réflexion par l’image sur le paysage contemporain. Inviter un photographe à observer un territoire consiste d’une part à offrir une représentation du paysage à nos contemporains et aux générations futures, et d’autre part à ouvrir de nouveaux horizons sur la pensée du paysage. Le MBAL et le Parc naturel régional du Doubs se sont ainsi associés pour organiser une résidence d’artiste. Le choix s’est porté sur le photographe allemand Henrik Spohler (1965) pour le regard singulier qu’il porte depuis de nombreuses années sur le paysage contemporain lors de ses voyages dans différentes régions du monde. Le projet Parc du Doubs entend aller au-delà du simple témoignage consacré à ce parc naturel régional d’importance nationale dont la création remonte à 2012. S’intéresser de près à un parc naturel suisse permet d’interroger la définition de la « nature » au 21e siècle.
Le dernier grand projet de Spohler s’intitulait Le Troisième Jour en référence à la Genèse biblique et au jour durant lequel Dieu aurait créé la nature. Le photographe nous présentait une vision crue et sans artifices de l’agriculture industrielle. Dans le cadre de la résidence d’artiste au sein du Parc du Doubs, Spohler a reçu carte blanche. La seule condition qui fut posée était de faire le portrait du parc qui s’étend sur quelque 300 km2. Ce territoire, situé au sud de la rivière, à la frontière française, s’étend des Brenets, près du Locle, jusqu’à Saint-Ursanne en passant par les Franches-Montagnes.
Spohler a sillonné entre l’automne 2018 et le printemps 2019 le Parc, ses berges et pâturages lors de longues promenades en solitaire. Il a été particulièrement intéressé par la manière dont l’activité humaine façonne le paysage tout en défendant des zones protégées. Spohler observe les tensions que vit la campagne, où le naturel côtoie le construit, où le rural côtoie l’urbain. Ses prises de vue remarquablement contrôlées répondent à l’atmosphère qui se dégage de ces lieux aménagés.
Les humains du 21e siècle, pour la plupart citadins, aspirent encore à une nature sauvage mais celle-ci se révèle être en réalité une utopie qu’il est difficile de tenir à l’écart de l’urbanisation que connaît la planète.
Le regard scrutateur de Spohler montre que nous ne pouvons plus nous contenter de contempler les paysages comme de beaux décors. L’agriculture, l’élevage, le jardinage fabriquent une nature qui est humaine. Le paysage est ainsi composé à la fois d’un espace « naturel » et d’un espace « vivant », « humain », un espace social, économique, marqué par l’histoire des transformations de la nature en territoire. Il y a beaucoup à apprendre sur nos sociétés humaines en observant la géographie qui se dessine à la surface de la terre, et c’est ce que Spohler cherche à mettre en lumière. Dans sa photographie, le paysage n’est ainsi pas à l’arrière-plan comme cela a souvent été le cas : il fait venir le fond au premier-plan pour nous montrer l’interrelation entre nature, territoire et regard humain.
Réalisée en collaboration avec le Parc naturel régional du Doubs, l’exposition est accompagnée par une publication produite par les deux institutions et disponible au MBAL.