Têtue géométrie ou la tentation d’escalader le ciel
Avec l’installation de l’artiste suisse Carmen Perrin, le MBAL poursuit son cycle d’expositions semi-permanentes réalisées in situ. Têtue géométrie ou la tentation d’escalader le ciel s’inscrit dans un programme de réalisations murales commandées spécifiquement à des artistes suisses invités à répondre à l’architecture du lieu en réalisant une création unique. L’oeuvre de Carmen Perrin fait écho à Paysage pour un berger (2), peinture de l’artiste neuchâtelois Lermite dont le centième anniversaire est célébré en 2020. Portant comme lui un intérêt particulier à la recherche de la lumière, Carmen Perrin développe une empreinte picturale d’une rare poésie, déposée par d’infimes fragments sur des milliers de fils tendus. Par ce geste artistique tridimensionnel, elle offre un magnifique hommage à l’oeuvre de Lermite dont le MBAL abrite la fondation et articule son processus de création ainsi :
« En 1976, le peintre Jean-Pierre Schmid, dit Lermite réalise Paysage pour un berger (2). Un paysage constitué de lignes droites et de courbes, délimitant des surfaces colorées. Les couleurs chaudes et froides sont entremêlées, comme le sont, sous les frôlements de la lumière, la superposition des plans et des angles inclinés. De cette matrice virtuelle, comme ondulant sous la force d’une brise hiémale, j’ai tiré une empreinte. Celle-ci, déposée sur les fils régulièrement tendus d’une texture verticale, est détachée de quelques centimètres du mur blanc. Vue de face, elle renvoie à l’oeil une image diaphane. Cependant, une légère vibration chromatique incite le visiteur à se déplacer devant l’image pour percevoir, progressivement la couleur « se lever » dans toute son intensité, s’atténuer à nouveau et réapparaître selon les points de vue et les ondulations. L’allusion à une forme simple et répétitive du métier à tisser évoque les objets du travail manuel de paysans ou d’artisans que Lermite, acharné à capter toutes les facettes d’un même objet, qu’il s’agisse d’un outil ou un élément architectural comme certaines fenêtres d’ateliers, a cherché à retranscrire plastiquement dans leur contexte singulier. La polychromie, déposée par fragments sur des milliers de fils élastiques, évoque la tension du contact entre l’oeil de l’artiste avec les forces mouvantes, proches et lointaines, d’un paysage venant lentement à soi. Comme Lermite observe la lumière jusqu’à la fin de sa vie, moi aussi, avec mes propres outils, je la scrute, depuis le début de mes recherches, et j’invente des sortes des pièges pour la capturer, la moduler et l’articuler avec des matériaux ou avec de la couleur. »
Biographie
Née en Bolivie, Carmen Perrin (Suisse, 1953) vit et travaille à Genève et en France. Elle s’est imposée dès les années 1980 comme une artiste plasticienne qui réalise des sculptures, avant de travailler de plus en plus étroitement avec des contextes architecturaux et paysagers. Actuellement elle travaille à des projets liés à l’espace public et mène une recherche qui articule étroitement la pratique de la sculpture et celle du dessin. L’artiste est représentée par la galerie Wilde (Genève/Zurich), la galerie Linder à Bâle et par la galerie Catherine Putman à Paris.