Gare aux dessins !
PROLONGATION JUSQU’AU 27.09.20 !
Au 21e siècle, le dessin de presse cristallise de nombreuses questions : peut-on rire de tout et avec tout le monde ? Peut-on tout tolérer au nom de la liberté d’expression ?
Défendre la satire politique dans un contexte mondial de plus en plus tendu crée débat même au cœur des démocraties occidentales. Les caricaturistes sont des agitateurs d’idées et participent à éveiller les consciences. Au 19e siècle, le combat pour la liberté d’expression se gagne aussi avec les crayons. Avec cette exposition, Chappatte (Suisse, 1967) montre le pouvoir de la caricature politique, langage universel qui saute les frontières. Pouvoir de dénoncer, pouvoir d’interroger l’actualité politique et la réalité qui nous entoure. Dans certains régimes autoritaires, les ciseaux de la censure rappellent que dessinateur de presse est parfois un métier à risque. Les caricaturistes résistent, contournent les interdits et les pressions. Lorsque leurs dessins déchaînent des passions disproportionnées, suscitent les pires réactions, il convient de s’interroger… Les crispations grandissent depuis les fatwas lancées contre les caricaturistes danois en 2005 et depuis les attentats contre Charlie Hebdo de 2015. Cherchant à viser l’actualité, le dessin de presse est là pour déranger, déformer la réalité pour en dire la vérité. A l’ère des réseaux sociaux où chacun est à fleur de peau, le dessin politique semble plus que jamais en danger.
A l’annonce en été 2019 de la fin du dessin politique dans le New York Times, Chappatte écrit : « A présent, qui montrera le roi Erdogan nu, quand plus un seul dessinateur turc ne peut le faire ? L’un d’eux, notre ami Musa Kart, est maintenant en prison. Des caricaturistes du Venezuela, du Nicaragua et de Russie ont été contraints à l’exil. Ces dernières années, certains des meilleurs caricaturistes des Etats-Unis, comme Nick Anderson et Rob Rogers, ont perdu leur emploi parce que leurs éditeurs jugeaient leur travail trop critique envers Trump. On devrait peut-être commencer à s’inquiéter. Et à riposter. Les dessins de presse sont nés avec la démocratie. Et ils sont attaqués quand la liberté l’est. »
Depuis 20 ans, Chappatte livre à la presse suisse et étrangère des dessins qui titillent et abordent l’actualité avec un regard décalé. Sous le trait pacifique du crayon, la satire n’est jamais séparée d’une réflexion citoyenne. Le dessin politique défie certes mais toujours dans le but de faire réfléchir, d’émouvoir ou de dénoncer. Et c’est bien parce qu’elles provoquent le débat que ces images doivent exister.
Et Chappatte de conclure : « Nous sommes à une période où les médias ont besoin de se renouveler et de toucher de nouveaux publics. Il faut juste cesser de craindre la foule en colère. Dans ce monde de fous qui est le nôtre, l’art du commentaire visuel est plus que jamais nécessaire. Tout comme l’humour. »
L’exposition se divise en deux volets. Sur les murs de la salle se déploient librement quelques-unes des meilleures œuvres de Chappatte parues dans la presse, tel un catalogue non raisonné, ou un feu d’artifice spontané d’images. Dans un noyau au centre de la salle, Chappatte se concentre sur les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression : de la pression politique classique à la forme de censure la plus extrême – le meurtre –, en passant par l’auto-censure préventive, nouvelle ligne franchie par le New York Times, et la pression des réseaux sociaux. Dans cette démonstration, Chappatte convoque des homologues de Suisse, Bénédicte, Herrmann, Martial Leiter, Mix & Remix, Pitch, le journal satirique Vigousse ; et du monde entier, Hani Abbas (Palestine/Syrie), Antonio (Portugal), Angel Boligan Corbo(Cuba/Mexique), Cabu (France), Coco (France), Michael de Adder (Canada), Dieter Hanitzsch (Allemagne), Musa Kart (Turquie), Avi Katz (Israel), Ann Telnaes (Etats- Unis), Xavier Gorce (France), Denis Lopatine (Russie), Pedro X. Molina (Nicaragua), Mark Knight (Australie), Rob Rogers (Etats-Unis), Kevin Siers (Etats-Unis), Zunar (Malaisie).
L’exposition est produite par la MBAL en étroite collaboration avec Chappatte pour le choix des œuvres et des dessinateurs invités. Eric Burnand, journaliste et scénariste de BD, s’est chargé de la rédaction des textes. Le quotidien suisse Le Temps est partenaire de l’exposition.