L’emprise du temps
Le travail de Laura Letinsky (1962) nous renvoie à un autre temps. Travaillant avec un Polaroïd 55, le fameux procédé à développement instantané qui donne une image unique, Letinsky photographie des fruits, des fleurs, de la nourriture, des ustensiles et des objets de la vie quotidienne. Pour qui connaît le travail de la photographe canadienne, on y retrouve ses natures mortes, genre dans lequel elle excelle depuis les années 1990. Comme de nombreux photographes avant l’ère du numérique, elle utilisait le Polaroid pour faire des tests. Alors même qu’elle s’apprêtait à se débarrasser de ces tirages, elle fut intriguée par leurs dégradations. Le matériau avait pris un chemin imprévisible et offrait par lui-même une réflexion sur la vulnérabilité de la vie. Alors que le numérique a rendu la photographie contemporaine immatérielle et par bien des aspects nette et lumineuse, les Polaroids de Letinsky dont la détérioration est causée par la chimie, le hasard et le passage du temps, nous saisissent. Il en émane un mystère, une étrangeté, comme une métaphore de la vie.
L’exposition est accompagnée d’un livre paru en anglais aux éditions Radius Books. L’artiste est représentée par la galerie Yancey Richardson, New York.